Hallyuwood est l'un des projets sur lequel j'ai passé le plus de temps, je me disais qu'il serait alors intéressant d'en détailler sa création, les différentes recherches visuelles et les questionnements graphiques.
C'est un projet qui a été créé dans le cadre de l'épreuve majeure du BTS Design Graphique, qui consiste en la réalisation d'un projet de A à Z, c'est à dire de la création du brief original jusqu'à la présentation en fin de deuxième année du projet dans son ensemble, de son développement à la proposition graphique finale.

Dans mon cas j'ai voulu travailler sur un sujet qui mêlerait le graphisme et le cinéma. Je me suis penché sur plusieurs possibilités : festival de films à destination des enfants, collection d'ouvrages sur des histoires de tournages, etc. mais j'ai au final choisit de m'orienter vers ma troisième idée, la création d'une exposition/rétrospective autour d'un courant cinématographique, il ne me restait plus qu'à trouver lequel...
Je ne voulais pas partir sur un courant connu de tous pour éviter de refaire quelque chose qui aurait deja été fait, j'ai donc éliminé les courants tels que la Nouvelle Vague ou le Nouvel Hollywood.
Et c'est en allant voir Joint Security Area de Park Chan-wook rediffusé au Majestic Bastille durant l'été 2018 que j'ai commencé à m'interesser au cinéma sud-coréen dont j'avais pu voir quelques films auparavant qui m'avaient plu comme Memories of Murder de Bong Joon-ho ou Old boy de Park Chan-wook.
En faisant quelques recherches je me suis rendu compte de la richesse du cinéma coréen, qui avait subi dans les années 90 un renouveau et le début d'un mouvement appelé la Nouvelle Vague sud-coréenne, c'était le sujet parfait pour mon projet.

Une fois cette première partie trouvé il me fallait approfondir le contexte de l'exposition et ses détails. J'ai d'abord orienté le choix du lieu pour la rétrospective vers le Forum des images, lieu mélangeant projections, archives, expositions, etc. mais j'ai ensuite découvert l'existence du Centre Culturel Coréen de Paris qui se prêtait parfaitement au projet que je voulais créer : une exposition autour de la Nouvelle Vague sud-coréenne, les parallèles entre les films et l'Histoire du pays, des projections associées, etc. Le Centre Culturel Coréen de Paris disposait de différents espaces prévus pour des expositions, des projections ainsi qu'une bibliothèque, dans le but de promouvoir la culture coréenne ce qui permettait au projet de se développer dans tout le lieu, à travers différents médiums.
De plus le Centre Culturel Coréen était un lieu presque inconnu et très effacé, ce qui donnait au projet une dimension supplémentaire, celle de faire vivre l'institution et de la faire découvrir au plus grand nombre. Et pour renforcer ce contexte venait s'ajouter au tout le futur déménagement du centre dans un quartier plus vivant et plus central, qui permettrait de lui donner un nouveau souffle et ferait de mon exposition l'évènement inaugural du lieu, le cinéma étant un médium assez populaire.
La construction de mon projet se faisait alors autour de la problématique suivante :

Comment concevoir l’identité graphique d’une exposition sur le cinéma sud-coréen afin d’attirer le public dans un centre culturel méconnu?

J'ai alors entrepris des recherches approfondies sur la Nouvelle Vague sud-coréenne, les origines du courant, les sujets abordés, etc.
Le mouvement est né dans le milieu des années 90 mais il s'étend encore de nos jours, le cinéma sud-coréen occupe une place de plus importante dans le paysage cinématographique mondial, on peut d'ailleurs le voir avec les palmarès des cérémonies ou festivals de cinéma des dernières années (Parasite de Bong Joon-ho, Burning de Lee Chang-Dong, etc.). Cependant, malgré cette mise sur le devant de la scène le cinéma coréen reste assez méconnu dans son ensemble et tous les sujets qu'il aborde le sont également (d'où l'utilité de l'exposition).

De plus cette montée en puissance ces dernières années des films coréens s’inscrit dans un mouvement plus grand nommé hallyu 한류, littéralement “vague coréenne”. Il naît du soft power instauré par le pays, pour promouvoir ses industries culturelles (on le voit aussi avec la K-POP), et dans le cadre de ce qui nous intéresse, la loi pour la promotion du cinéma de 1995, va attirer les investisseurs et ainsi multiplier par cinq l’économie de l’industrie du divertissement. Les films obtiennent alors des budgets plus conséquents et les réalisateurs profitent de cette nouvelle liberté d'expression combinée à la chute récente de la dictature pour faire passer des messages sur le contexte social et politique du pays.

Une fois ce contexte posé et tout en continuant de travailler sur les aspects théoriques et culturels du sujet, j'ai pu commencer des recherches graphiques autour de ce qui serait le nom de l'exposition, Hallyuwood. C'est, à la manière d'Hollywood ou de Bollywood, le nom de l'industrie du cinéma en Corée du Sud. J'ai choisi ce terme comme titre d'exposition car il semble assez explicite et il évoque quelque chose pour tout le monde. Dans mon premier axe, j'ai d'ailleurs cherché à mélanger des codes issus de Hallyuwood et de Hollywood.

Entre Hollywood et Hallyuwood

J'ai notamment travaillé la typographie, jouant sur les fameux caractères qui forment l'emblème d'Hollywood en les juxtaposant avec des tracés plus bruts et moins lissés. Exprimant ainsi la différence du cinéma sud-coréen souvent plus personnel, engagé et singulier.

Un cinéma sombre

Je me suis vite recentré sur les particularités du cinéma coréen pour m'éloigner du comparatif standard. J'ai préféré essayer de montrer la différence en jouant principalement sur les différents aspects de la nouvelle vague sud-coréenne.
Ce qui caractérise les films coréens c'est ce mélange, de plusieurs genres (le thriller, l'horreur, la comédie, etc.), de plusieurs thèmes, le tout dans une même oeuvre et c'est qui le rend si particulier mais aussi accessible. Et ce sont souvent d'ailleurs des films assez sombres, assez pessimistes. C'est ce sur quoi je me suis orienté pour la suite.

J'ai travaillé sur des visuels en noir et blanc pour exprimer ce coté sombre et négatif, en essayant de jouer sur des mélanges, des juxtapostions de formes et de plans qui présenterait les différentes faces du cinéma coréen. J'ai aussi travaillé le grain, symbolique de l'image cinématographique et qui permettait de renforcer les jeux de nuances, du passage du noir au blanc.

Le tout manquait néanmoins de couleurs, ce qui pouvait être reppoussant et donner un coté daté aux visuels, j'ai alors eu l'idée de passer les images du noir et blanc au rouge et blanc, leur permettant alors de regagner en dynamisme et modernité. J'ai également décidé d'incruster les images sur des tracés, réalisés au pinceau brosse, qui leurs permettaient de conserver l'aspect panomarique du cinéma et d'exprimer l'idée de la trace du réalisateur qui marque le film de son empreinte, faisant ainsi écho au coté personnel du cinéma coréen.
A l'aide de ces nouveaux éléments graphiques j'ai pu créer des compositions.

L’Histoire de la Corée

J'ai aussi voulu explorer une autre piste, celle de l'Histoire du pays.
Car les évènements majeurs qui se sont produit au sein de la Corée (Guerre de Corée, Dictature, etc.) ont nettement inspirés les réalisateurs et cela transparait à travers leurs films, souvent en toile de fond. On y voit des révoltes, le contexte social, la vie des provinces coréennes, etc. Et c'est également un point central de l'exposition, mettre en relation l'Histoire du pays et sa représentation au cinéma.

J'ai récupéré différentes images d'archives des évènements majeurs du pays et j'ai dessiné par dessus, au calame ou au doigt, pour représenter cet impact de l'Histoire et du contexte social du pays sur les films du courant. Je me suis servi du calame pour réaliser des tracés inégaux et assez aléatoires, qui renforce la brutalité des images.

Dans un second temps, j'ai réalisé les lettres et caractères en hangeul formant Hallyuwood afin de récupérer l'aspect de la trace du réalisateur. C'était selon moi ce qui représentait le juste milieu entre le coté personnel et artistique ainsi que le coté sérieux du cinéma coréen.

J'ai aussi repris l'idée que j'avais évoqué précedemment du traitement graphique des images. Cette fois-ci en noir et blanc et en jouant sur une trame qui leur donnerait une valeur d'archive, faisant ainsi echo au images vu auparavant et surtout à la valeur historique des récits.

J'ai enfin travaillé sur la composition et l'agencement de tous mes éléments, en jouant sur la superposition des éléments, le titre se pose sur l'image, mélant le rouge et le noir. Signifiant à la fois le dynamisme de ce mouvement qui continue depuis des années et qui vit à travers des films mélangeant les genres. Mais aussi l'aspect plus sombre de ces oeuvres et de l'Histoire de la Corée Pour la police de caractères j'ai choisi la Gosha Sans, une linéale que j'ai utilisée pour son aspect simple mais qui, par ses courbes et ses traits droits, rappelle le tracé des caractères coréens.

J'ai réalisé 3 déclinaisons, montrant divers images montrant le coté brut, engagé et parfois contemplatif du cinéma coréen, tout en conservant l'idée d'image d'archive.

L'idée était aussi de décliner cette identité visuelle créée pour l'exposition sur différents supports et notamment un dépliant comme on en trouve à l'entrée des expositions. J'ai choisi un format panoramique, créant une fois de plus un lien avec le cinéma. Ils se divisent en 4 parties. Le dépliant contient des informations sur le Centre Culturel Coréen de Paris et sur l'exposition ainsi que le programme de toutes les projections qui ont lieu dans le centre.
Il existe en version française ainsi qu'en version coréenne.

Enfin l'exposition devait également se doter d'un catalogue d'exposition qui présenterait le sujet de celle-ci mais permettrait également de l'approfondir. Présentant des films majeurs du courant cinématographique mais aussi des passages marquants de l'Histoire du pays et nouant les liens entre les deux. J'ai repris le code couleur établi précedemment, le rouge et le noir pour l'adapter au support. Ainsi les passages sur des films comportent des images teintées de rouge et les passages historiques comportent des images en noir et blanc.
Il en existe aussi deux versions, une française ainsi qu'une coréenne.

Synthèse

Hallyuwood était un projet passionnant à réaliser, j'ai pu y méler ma passion pour le cinéma avec celle du graphisme et le tout dans un contexte concret et exigeant en terme de communication. J'ai beaucoup aimé travaillé sur la construction de cette identité visuelle et sur la recherche d'un langage graphique compatible avec l'ADN de l'exposition.

Si vous voulez accéder à la page du projet simple c'est ici.